Les thés emblématiques du Japon que sont le matcha, le sencha et le gyokuro sont tous nés à Uji. Depuis huit siècles, la région située au sud de Kyoto perpétue la production de thés verts d’exception. J’ai eu l’occasion de pouvoir en apprendre plus sur ces thés grâce à des maîtres du thé tout droit venus du Japon : Kyûgorô Shimooka (directeur des plantations de thé Kyûgorô), Chôtarô Horii (directeur et représentant de la plantation de thé Horii Shichimeien) et Yoshida Riichi (à la tête de la 16ème génération de la plus ancienne plantation de thé au Japon).
Les thés Uji, une tradition âgée de 800 ans
La culture du thé serait née en Chine et ses premières traces remontent à 2700 avant JC. Ce sont les moines bouddhistes qui, en revenant de Chine, ont importé cette boisson au Japon au début du 9ème siècle.
C’est ensuite au 12ème siècle, au début de l’époque Kamakura, qu’un maître Zen, Eïsai, rentre de Chine riche d’un savoir bien particulier ; celui de fabriquer et de préparer un thé vert en poudre. Eïsai demande aux prêtres du temple Kozan à Kyoto de cultiver le théier et de développer la fabrication du thé. C’est dans la région de Uji, une région humide au climat idéal, que les cultures furent installées. Depuis, la région de Uji est réputée pour ces thés verts absolument uniques grâce à la culture en ombrage et la méthode dite Uji. Depuis 2015, Uji est inscrite au patrimoine culturel du Japon par l’Agence pour les Affaires culturelles en tant que site historique et envisage aujourd’hui de poser sa candidature au patrimoine mondial de l’Unesco.
Tous les thés du Japon proviennent de la même variété de théier. La plupart des thés japonais sont des thés verts non fermentés qui sont en grande partie cuits à la vapeur pour empêcher l’oxydation. Les feuilles sont ensuite séchées doucement tout en étant froissées et malaxées. Les différents thés japonais sont séparés en deux grandes catégories suivant le type de culture. La culture en ombrage consiste à couvrir les théiers lors de la croissance des bourgeons pour obstruer la lumière ; elle s’oppose à la culture en plein air :
- Le tencha : thé cultivé avec ombrage, cuit à la vapeur et séché sans rouler
- Le matcha : thé cultivé en ombrage, c’est du tencha broyé à la meule
- Le gyokuro : thé cultivé en ombrage pendant au moins 20 jours, les bourgeons sont cuits à la vapeur puis roulés en séchant
- Le sencha : thé cultivé en plein air, les bourgeons sont cuits à la vapeur et froissés en séchant
- Le hojicha : thé cultivé en plein air, torréfié
- Le genmaïcha : thé cultivé en plein air, mélange de thé vert et de grains de riz grillés.
Les bienfaits du thé
Le thé contient un acide aminé bien particulier appelé théanine. C’est elle qui donne la saveur umami au thé. Elle est fabriquée dans les racines de la plante et remonte jusqu’aux feuilles ou elle est transformé en catéchine grâce à la lumière. La culture en ombrage permet de préserver la teneur en théanine et donc de réduire la teneur en catéchine à l’origine de l’astringence et de l’amertume du thé. Les thés cultivés en ombrage comme le matcha et le gyokuro sont donc plus doux alors que les thés de plein air sont plus toniques.
Depuis des siècles, le thé vert est connu pour ses bienfaits sur la santé grâce à ses composants :
- Théanine : action sur le cerveau qui favoriserait la réduction du stress
- Catéchine : antibactérienne qui serait bénéfique à la flore intestinale, réduirait les risques d’intoxication alimentaire, de cholestérol et de cancer
- Fluor : protection contre les caries
- Flavonoïdes et minéraux : préviendraient de la mauvaise haleine et activerait le métabolisme
- Vitamine A : hydratation de la peau, renforcement du système digestif et respiratoire
- Vitamine C : contre la fatigue et prévention des rhumes
- Vitamine E : prévention de la cataracte et du vieillissement
- Vitamine B1 : transformation du sucre en énergie
- Vitamine B2 : développement et croissance
- Caféine (théine) : stimulation du système nerveux et du métabolisme, diurétique.
Préparer un bon sencha selon Kyûgorô Shimooka
Ce thé très populaire et parfumé, dont la culture se fait en plein air, se boit dans une ambiance conviviale en journée. Les feuilles de thé peuvent être infusées deux fois pour un sencha de grande qualité. Il est bu sans sucre.
Pour préparer 3 tasses de thé sencha il faut se munir d’une théière et de 3 petits bols (environ 9 cm de diamètre), ainsi que d’une cuillère à soupe pour doser le thé.
- Verse 180 ml d’eau douce portée à ébullition dans 3 bols à thé (60 ml dans chaque bol). Laisser l’eau refroidir jusqu’à 70-80 °C
- Mettre 2 bonnes cuillères à soupe (10g) de feuilles de thé sencha dans la théière
- Transvaser l’eau encore chaude contenue dans les bols dans la théière
- Couvrir la théière et laisse le thé infuser 45 secondes à 1 minute. Dans la théière, les feuilles s’imbibent d’eau et lui donnent une couleur vert-jaune
- Verser le thé en petites quantités en faisant des allers-retours d’une tasse à l’autre, pour que l’intensité soit homogène dans tous les bols, jusqu’à vider la théière.
- La deuxième infusion se fait avec une eau à température plus élevée et en quelques secondes seulement.
Préparer un bon matcha selon Chôtarô Horii
Ce thé finement moulu et légèrement amer dont la culture se fait en ombrage est utilisé pour la cérémonie du thé japonaise. Il se déguste mousseux et aérien sans ajout de sucre plutôt le matin au réveil.
Pour préparer un bol de thé matcha il faut se munir d’un bol pour thé matcha (environ 12 cm de diamètre), d’un fouet en bambou, d’une spatule à thé en bambou pour doser le thé et d’un bol pour faire refroidir l’eau.
- Mettre 2 bonnes spatules de matcha (2 g) dans un bol
- Faire bouillir 80 ml d’eau douce. Verser dans le bol secondaire pour faire baisser la température à 80°C
- Verser l’eau sur le thé
- Tenir le bol avec la main gauche (pour les droitiers) pour éviter qu’il glisse et saisir l’anse du fouet avec trois doigts de la main droite
- Remuer doucement le matcha pour que la poudre au fond du bol et l’eau se mélangent bien
- Fouetter énergiquement le thé en surface avec un mouvement de va-et-vient (surtout pas en cercle) pour former une mousse onctueuse en évitant les grosses bulles
- Retirer le fouet
- La surface du matcha doit être couverte d’une mousse fine et bien fouettée.
Préparer un bon gyokuro selon Yoshida Riichi
Thé très doux mais très aromatique extrêmement réputé et riche en saveur umami, c’est le thé le plus noble du Japon. Sa culture se fait en ombrage avec une récolte une fois par an au printemps. C’est la crème de la crème du thé vert. Il se déguste entre amis ou en famille, sans se presser plutôt le matin, en très petites quantités avec 4 à 5 infusions à la suite.
Pour préparer 3 tasses de gyokuro il faut se munir d’une théière, de 3 minuscules bols à thé (environ 6 cm de diamètre), d’un récipient pour refroidir l’eau et d’une cuillère à soupe.
- Faire bouillir 70 ml d’eau douce. Verser l’eau dans le récipient pour la laisser refroidir. Transvaser l’eau dans la théière vide puis dans les bols jusqu’à 40-50°C,
- Mettre 2 cuillères à soupe de feuilles de thé (10 g) dans la théière,
- Verser l’eau tiède dans la théière,
- Contempler le mouvement des feuilles de thé sans couvrir la théière,
- Laisser infuser 1-2 minutes. Dans la théière, les feuilles s’imbibent d’eau et lui donnent une couleur vert très clair,
- Verser le thé dans les petits bols en petites quantités en faisant des allers-retours d’une tasse à l’autre, pour que l’intensité soit homogène dans tous les bols, jusqu’à vider la théière. Le thé se déguste en une gorgée en faisant rouler le thé dans la bouche pour en apprécier toutes les saveurs,
- Les infusions suivantes se font avec une eau à température de plus en plus élevée,
- Pour ce thé d’exception, les feuilles de thé encore humides peuvent ensuite être mangées en salade avec un peu de sauce soja.
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